Centre d'Étude du Futur

AVENTURES DE CHASSE  D’HIER ET D’AUJOURD’HUI : DE GUILLERI  A  K.U.33

 SUIVI DE CARTES POSTALES, SOUVENIRS. ET REFLEXIONS

        1 §  Compère Guilleri (Toto Carabo) ou comment un gentilhomme devenu brigand finit en chanson.

Oyez, bonnes gens, ce qui arriva à ce gentilhomme devenu brigand à l’esprit chevaleresque. Après avoir livré bataille au service du bon Roy Henri IV, Guilleri se retrouva vagabondant par les grands chemins des villages et de la chasse. Lorsqu’un fâcheux accident le cloua au sol. Malheur ! La branche sur laquelle il était monté “ pour voir ses chiens courir » se rompit. Dans cette chute fatale, « il se cassa la jambe et son bras se démit ». Gisant blessé sur le sol, il attendit longtemps du secours…

Par chance, “les dames de l’hôpital “le découvrirent, « bandèrent sa jambe », lui « remirent son bras » et prirent soin de lui avec beaucoup d’habileté.

Jamais avare de galanteries, pour les remercier, Compère Guilleri « les embrassit » .Et choisit l’une d’entre elles pour être l’élue de son cœur .Et désormais fonda une famille  et  s’assagit.

Son aventure devenue légendaire mise en chanson « Titi carabi, Toto carabo », arriva de la Bretagne jusqu’à Paris, portant malicieusement cette leçon qui proclame :

« Ça prouve que par les femmes, l’homme est toujours guéri. Carabi ! »

Entonné hier encore lors des rondes enfantines des cours de récréation, cet air est aujourd’hui tombé dans l’oubli …et sa leçon aussi !

Ainsi disparaissent peu à peu ces vestiges de la tradition populaire qui accompagnaient la grande histoire, et qui n’intéressent plus grand monde dans nos « sociétés oublieuses ».

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Mais ces scenarii pourraient encore trouver leur place dans notre « société du spectacle », en surfant sur la vague du story-telling,  dans des termes qui les mettraient au goût du jour.

Ceci nous amène à  proposer une version reprenant ce thème traditionnel  mais avec les habits de  la modernité futuriste, telle que nous avons pu la suivre dans la ”Gazette des Robots”.                       Compère Guilleri (dit Toto Carabi Carabo) y cède sa place à un héros d’aujourd’hui l’excellent K.U.33, robot humanoïde de dernière génération tout à fait contemporain  soit :

 

2. § GUILLERI CEDE LA PLACE AU E-MAJORDOME  K.U.33   , UN ROBOT FACE A SON DESTIN.

1§.  Pérégrinations  de Compère Guilleri (voir ci-dessus)

2§   K.U.33 : Un e-majordome face à son destin

3§. Cartes postales, réflexions et souvenirs

 

Avertissement au lecteur

Les pages qui suivent et même celles qui précèdent demandent au lecteur de consentir  “à un vacillement de paradigme et à un réajustement de sa vision kaléidoscopique”  afin d’accéder « à un nouveau type d’intelligibilité du réel constitué d’un prisme de données  (Éric Sadin, 2015).

Merci d’avance

 2§  K.U.33, un e-majordome face à son destin

 

Voilà justement qu’en suivant l’actualité dans ma «Gazette des Robots», j’apprends que l’excellent K.U.33, e-majordome fort plaisant, très prometteur, est arrivé en fin de formation. Il a été lancé en stage dans la vaste forêt domaniale, pour un premier repérage des terrains de chasse d’un grand propriétaire de ces lieux. On devine les risques auxquels il pourrait être exposé, vu son peu d’expertise en rapport avec le monde animal et végétal, sans compter les exigences possibles de son nouveau maître.

Qui sait quels pièges le guettent ?

En cas de “pépins “  aurait-il autant de chance que le Compère susnommé lorsqu’il battait la campagne ? Et notamment avec la délicieuse récupération qui s’en suivit ?

De nos jours, que peut attendre un robot “bien formé” dans une telle situation ?

Certes son programme d’alerte se déclencherait .Et un camarade Robot des Services de Secours des environs viendrait le récupérer et le ramener à l’atelier de réparation. Certes.

Après un temps plus ou moins long de recherche et d’attente que l’on peut imaginer.

 

Ah ! K.U.33 ! L’attente … qui sait la solitude d’un robot ! T’en souvient-il…..

 0ù sont passés la « douleur », l’« angoisse », l’ « attente »de Guilleri et puis son « fol espoir » en apercevant les dames de l’hôpital venues le secourir ? Sa guérison, son soulagement et “ last but not least”- les surprises de l’amour !?

 Rien de tout cela n’est au programme pour K.U.33 actuellement : la cyborg féminine projetée par Haraway dès 1970 n’est pas encore  prête à circuler)

Mais il y a pire.

Qui sait même si, à l’instar de l’infortuné Robot patrouilleur KnightScopeK5  probablement victime d’un bug et confronté à quelque situation imprévue, tandis qu’il effectuait sa ronde dans un  centre commercial de Washington, a carrément “pèté les plombs”. Ou a été victime d’une surchauffe qui l’a conduit dans une fontaine  où il s’est échoué. Heureusement sans faire de blessés …mais sans pouvoir en ressortir par lui-même.

Il paraît qu’en Chine dernièrement un robot détraqué aurait  empalé un ouvrier (version moderne des armoires à clous du moyen-âge). Il a survécu  à ce traumatisme. N’insistons pas.

 

KU33 ne serait-il pas lui-aussi tenté par un ‘suicide’ ? (“Un robot de surveillance  pète les plombs et se suicide” (hitek.fr/actualité 19/07/2017 et 04/12/ 2O18)

Une soudaine prise de conscience ??

Foin de ces propos alarmistes.

Parions plutôt sur une réparation high-tech simple et rapide « telle qu’on les aime ». Tout est réglé. Ce sera mieux en 2O2O dit-on.

.En sommes-nous bien sûrs ?

Et après cela ?

Et les sentiments dans tout ça ? Les dames de l’hôpital,  l’amour médecin, l’élue du cœur ?

Rien de tel au programme, je le crains.

Ou en tout cas de très très loin

Tout juste pourra-t-il, aussitôt rétabli, relire les pages de Serge Tisseron « Le jour où mon robot m’aimera » ou mieux, se plonger dans le questionnaire de L. Alexandre et J.M. Besnier où il pourrait trouver de l’espoir : « Les robots font ils l’amour ? ».  Faut voir…Qui sait…

Ah… Solitude du Robot, disions-nous plus haut

Peut-être suffirait-il déjà de placer un autre robot juste à côté de lui : tout seul, il a l’air d’une machine.  A deux, ils ont l’air vivants.  Je l’ai vu dans un documentaire .C’est prouvé.  Qui dit mieux ?

Dernière minute, en désespoir de cause, une inspiration : si nous nous tournions vers d’autres cultures ?

 S’il se trouvaient d’autres pays plus ouverts à l’accueil des robots ?

Question de culture !!

Par exemple du côté des Pays du Levant 

Bien sûr, il y  aurait quelques frontières à franchir par notre e-majordome (ce qu’il en reste, le cas échéant)

On sait déjà que, profitant de l’évolution internationale du droit, il pourrait désormais demander la nationalité saoudienne (à moins que celle-ci ne soit accordée qu’aux robots humanoïdes de « sexe »féminin) ? Et ainsi être pourvu d’un visa en bonne et due forme.

  A vérifier. On est de son temps, après tout. Qui ne risque rien n’a rien :(novethic.fr/actualité/04/11/17).

Ce qui lui permettrait alors d’être expédié au Japon afin d’y bénéficier de nouvelles opportunités,  par exemple, si nécessaire, de la grandiose tradition funéraire des  «kofun» tel celui de Daisenryô, tumulus recouvrant des tombes impériales,  enregistré à l’Unesco. Car le Japon a également acquis  une bonne réputation en tant que terre d’accueil des robots humanoïdes (ou non) hors d’usage.

Et cerise sur le gâteau, il pourrait  y recevoir des funérailles selon le Rituel Shintoïste, sachant que des cimetières ad hoc fonctionnent là-bas  déjà depuis l’an 2000 et connaissent  un succès qui ne se dément  pas. On y prie et on y pleure beaucoup.

A condition bien entendu, qu’une personne affectionnée aie prévu de lui réserver une place, vu que les espaces sont  octroyés parcimonieusement au Pays du Soleil Levant !

Notons en passant qu’en l’occurrence, dans le cas plus précis de K.U 33, un problème pourrait se poser quant à son appartenance à la catégorie  des robots de” compagnie “ (??) ou plutôt de “service “(??), je laisse pour l’instant la question en suspens. Ce n’est pas si simple, attendons de voir la tendance qui va s’imposer.

Bonne chance de toute façon !

 

R.I.P  K.U.33…

 

 

3§ CARTES POSTALES : RÉFLEXIONS  et SOUVENIRS

 

3.1§ Compère GUILLERI et les VETERANS D’AUJOURD’HUI

UNE GUERRE APRES L’AUTRE (sources historiques).

Après avoir combattu vaillamment  dans l’armée d’Henry IV contre le Duc de Savoie, ce gentilhomme breton en question GUILLERY  démobilisé, cherchait fortune par les grands chemins, escorté par toutes sortes de brigands dont les rapines menèrent quelques-uns à  la roue.  Lui-même y échappa.  Apprécié des dames, ce galant se rangea, fonda une famille mais à la fin la justice le rattrapa (www.parislenezenl’air.fr/histoire..histoire/510 -Compère-guilleri). Justice a été faite, dit-on.

 

Cette histoire nous amène à celle encore proche des vétérans démobilisés rentrés en Amérique après la guerre 40-45 et celle du Vietnam et qui n’arrivaient pas, malgré leurs médailles, à retrouver un emploi dans la société.

 Certains, dont les épouses étaient restées fidèles,  « tenaient » grâce aux revenus des soirées “Tupperware” qu’elles organisaient, lors de la montée en puissance du travail féminin- dont on connaît désormais le bel essor aux USA et dans notre vieux continent. Ces soirées sont actuellement  de retour sous forme d’Ateliers-réunions)

Ou qui, faute de mieux, dansaient dans des concours quasi jusqu’à ce que mort s’en suive, dans l’espoir de s’en sortir (à voir dans le film” On achève bien les chevaux ”).Ils avaient voulu, comme Bob et Jimmy, miraculés de la Bataille des Ardennes, mener  le juste combat. Ils ont désormais leur place au Musée de la Guerre à La Roche

.Respect.

 La visite de ce dernier est recommandée et très émouvante pour ceux qui savent de quoi on parle, surtout s’ils n’étaient eux-mêmes pas éloignés des péripéties de cette histoire

Il en va tout autrement par contre du sort de ces vétérans  djihadistes restés sur le carreau après la défaite de leurs sanglantes campagnes : on ne sait toujours pas quel sort leur réserver à  présent qu’ils devraient revenir dans notre pays. Et leurs malheureux enfants souvent devenus orphelins ?

 Pénibles, bien sûr, ces histoires de “démobilisés” du côté des vaincus planqués aujourd’hui dans des camps que l’on ne visite guère. Mais tout cela n’est pas une raison pour  se mettre en route au petit matin et aller  tirer dans le tas pour se faire remarquer sur tous les écrans :

“Gauche ou droite croient lutter contre Daech… Une trouille unique de l’avenir saisit une politique envahie par les vieux »,  comme l’écrivait   Michel Serres avant de nous quitter  dans l’ouvrage “C’était mieux avant”, reprenant un propos commun selon lui mensonger.

Il nous reste la visite des cimetières militaires, par un bel après-midi de vacances scolaires par exemple .Il y en a de diverses sortes, un peu partout dans le monde, et pour tout le monde. La plupart accessibles aux PMR et autres invalides

Rendez-vous à celui d’Ypres, pourquoi pas. Il n’y a rien de mieux comme base de réflexion quant à une chance de salut pour les populations, que le spectacle des tombes blanches de ces milliers de vies fauchées dans la fleur de l’âge.

Salut! Garde à vous !

 

 

3.2 §  LE JAPON TERRE D’ACCUEIL DES ROBOTS (une fin honorable pour K.U.33)

 

Le rituel shintoïste et le parc des robots domestiques

 

“Objets inanimés, avez-vous donc une âme… ? » (Devos savait….)

 

« Au Japon, les machines ont une âme » : tel est le titre de l’article paru dans Les Échos (www.lesechos.fr du 22.11.2000). «  Dans notre religion, tous les objets, même les pierres ont une âme, un robot est un être à part entière », explique Nabuko… ” Astroboy est un être qui sauve le monde !”…

Sait-on que le succès de la robotique au Japon ne repose pas seulement sur des facteurs religieux et culturels. Après la seconde guerre mondiale, le Japon n’a pas eu le droit d’investir massivement dans la conception d’armes. La robotique a dû d’une certaine manière : « servir à la fois de débouché pour des scientifiques de haut niveau et de vitrine technologique pour un pays qui ne pouvait se féliciter d’être capable de concevoir des missiles longue portée ».

Yoshiki Kuraki, fondateur d’AIBOTOWN (site internet à la gloire des robots domestiques), croit qu’en 2050 les robots gagneront la coupe du monde de football, c’est l’objectif de la Robocup en tout cas.

 

Le thème du devenir des robots de compagnie n’est cependant pas totalement matière à raillerie - comme  nous incline à le  présenter un esprit caustique  souvent superficiel -surtout quand il s’agit de mentalités si éloignées de la nôtre.  C’est ce qui s’est passé avec le robot androïde Énoch (acheté de seconde main par un père de famille pour prendre soin de son fils autiste).Une des machines Kappa16 parmi les plus fiables du marché et qui est un jour contraint de prendre la fuite (récit par Neil Jomunsi, éd.Warus)

 

Pour en revenir au contexte religieux, récemment les funérailles de 114 robots- chiens AIBO ont eu lieu au Japon lors de cérémonies où la spiritualité animiste se complétait éventuellement par des prières récitées par un moine-robot bouddhiste.  Autre exemple :

Le deuil d’un “train rouge“ a été l’occasion pour chaque familier du rail de faire la fête le jour de son retour définitif au hangar, d’exprimer sa nostalgie  et de dévisser les poignées des wagons, afin de les garder comme souvenirs  à côté des photos des sièges occupés lors des  si nombreux aller-retour, ensemble si longtemps  sur le chemin du travail…

Faut-il y voir quelque chose de plus qu’une simple  forme du “vivre bien ensemble ” ?

Il serait dommage de n’y retenir que des croyances pouvant paraître d’une débilité affligeante à nous héritiers des Lumières.

La clé pour comprendre ces étranges manifestations se trouve sans doute dans l’antique croyance en les “KAMI”, répandue aux époques archaïques dans les couches populaires soumises aux rudes conditions de vie au Japon avant l’urbanisation et reprise dans l’actuelle  ambiance religieuse du Shinto (voir Encyclopédie Universelle “Shintoïsme”) ;

    De quoi s’agit-il ?

Les kamis sont des entités supérieures (comparables aux ‘numina’ des anciens romains), des puissances mystérieuses, tantôt bénévolentes, tantôt menaçantes, présentes partout par myriades sous les formes les plus inattendues et surprenantes.

Pouvant s’attacher à tout être inanimé, vivant ou mort et possédant un esprit de violence : il faut se les concilier  ou les neutraliser par des rites appropriés. Et ainsi garder vivantes les ‘saintes traditions nationales’. Celles-ci avaient  bien été respectées lors du recours aux “kamikaze” qui sont la version motorisée des “Esprits des vents” Ceux-ci lancés dans la redoutable bataille  du Midway engagée et finalement perdue contre les alliés américains  ont fait des émules un peu partout depuis ce temps.

 

REMARQUE.

 

Les considérations ci-dessus ne sont pas superflues, en tout cas aux yeux des responsables du marketing qui savent comment tenir compte des différentes composantes évidentes ou imaginaires de la mentalité des différents types d’acheteurs potentiels

. Les poupées « Barbie » n’ont pas eu de succès en Chine  tant qu’elles ne figuraient pas dans des tenues d’écolières  ou livrées à des occupations utiles  conformes à l’idéal parental. Tandis que  dans  le marché des “love-doll”, au Japon,  les plus perfectionnées devaient être proposées  non comme sextoys mais comme “  poupées à marier” aux plus “prudes” clients.

 

Comme se le demandait Raymond Devos : “Objets inanimés…-et  vous objets connectés !) avez-vous donc une âme ?”

Affaire à creuser, soumettant à la question la possibilité d’un “Humanisme Numérique” à promouvoir à l’échelon intercontinental

Ne pas répondre trop vite -  il en va du « vivre bien » ensemble.

 

                                                       Écrit par Renny