Centre d'Étude du Futur

            Lorsqu'il perçut la présence de l'homme, le chevreuil se figea aussitôt. Trop tard! La flèche l'atteignit en pleine poitrine, produisant un son mat. L'animal vacilla un instant, comme s'il tentait de rétablir son équilibre, mais ses pattes se dérobèrent. Étendu sur le sol, quelques soubresauts l'agitèrent, avant l'immobilité définitive.

Le chasseur, s'approcha d'un pas silencieux. Puis, un genou en terre, il s'inclina sur sa proie, tendit le bras jusqu'à toucher les poils drus. Alors, il prononça les paroles rituelles « Pardonne-moi de t'enlever ainsi à la vie. Mais, les miens ont besoin de viande pour éloigner la maladie et la mort ».

            Le chasseur revint au campement, la dépouille sur ses épaules. Comme toujours en pareil cas, un sentiment de fierté rendait sa démarche légère. Il gardait cependant une impassibilité de bon aloi. La chasse, c'était la vie, sa vie. En chassant, il réalisait sa nature profonde. De plus, le gibier ne manquait pas. Aucune raison dès lors, de célébrer ce succès avec éclat, d'en tirer quelque supériorité, voire d'afficher de la suffisance. Seuls importaient le parfait accord avec soi et la sensation de tenir sa place dans le grand jeu de l'univers.

 

            Respectant les coutumes, le chasseur confia la bête aux femmes. Celles-ci eurent tôt fait de dépiauter le chevreuil, de le découper en portions nombreuses. Elles veillèrent particulièrement à la stricte égalité des parts, afin de ne léser personne. Cela réalisé, le chasseur entreprit la distribution. D'abord les proches, ensuite tous les membres de la tribu. Il allait auprès de chaque feu, offrait la nourriture, murmurait parfois la phrase essentielle: « Frères, je vous apporte ce don que m'a fait la forêt ». Il savait cependant, que les autres chasseurs veilleraient à lui rendre la pareille.

 

                                               Donner – Recevoir - Rendre                                   

 

            Vivre de la sorte, au sein de l'une ou l'autre tribu, a fait l'objet de maints récits. Aventuriers, voyageurs, ethnologues, ont abondamment raconté les différentes sociétés « primitives ». Or, beaucoup de ces observations décrivent une forme de « contrat », lequel agit comme puissant facteur de cohésion sociale.

De fait, l'accord entre membres de pareils groupes se base sur les démarches de don et de réciprocité. En gros, on distingue trois étapes: « Je te fais un présent », « Tu l'acceptes », « Tu me dois en retour ».

 

            Dans la plupart des sociétés « archaïques », donner, recevoir et rendre imprègnent toutes les conduites. A tel point que l'on pourrait presque y déceler une sorte de réflexe.

Cette façon de faire prend parfois un tour inattendu. Ainsi, le chasseur amazonien exprimera-t-il sa reconnaissance envers le gibier abattu, par des chants et des danses. Comme il ne peut redonner vie à ses victimes, il les dédommage de cette façon: en manifestant son respect.

Plus étonnants encore sont ces esquimaux, qui offrent leur épouse à l'hôte de passage. Mais ce qui frappe particulièrement l'observateur attentif, c'est une dérive dénommée « Potlatch ».

 

            A première vue, le Potlatch s'apparente à la fête. Mais s'en tenir uniquement à cette image festive, en ferait disparaître l'élément premier. Car, avant tout, on donne. Beaucoup. Et parfois, beaucoup trop!

Mariages, naissances, décès, initiations,... suscitent de grands festins, créent une occasion d'offrir les plus somptueux présents. La dépense ne se compte pas lorsqu'il s'agit d'honorer un autre clan. Alors, il arrive que cette prodigalité dilapide en quelques heures tous les avoirs d'une famille, d'un village, d'une tribu.

 

            Depuis les aliments jusqu'aux objets de luxe, grande est la gamme des biens distribués. Nombreux également, se révèlent les services fournis. Promettre ou octroyer, solennellement, un  appui militaire à ses invités, constitue l'exemple-type de cette volonté d'assistance. Se départir de talismans et de formules magiques, s'avère tout aussi fréquent. Toujours dans une telle optique, il arrive que les donateurs cèdent un de leurs enfants. Dans ce cas, l'existence du garçon adopté, de la fille épousée, désormais se déroulera au sein de la communauté bénéficiaire.

 

            Que l'on soit seul ou plusieurs à donner, la réciprocité succède toujours au cadeau. Pareils transferts, d'individu à individu et de groupe à groupe, atteignent en finale un volume important. A tel point que cette circulation permanente de biens et services, compose un véritable système économique.

Un tel mécanisme se rencontre dans maintes régions du globe. Certes, le terme « Potlatch » appartient aux seuls indiens de l'Amérique du Nord. Et cette sorte de transaction se manifeste encore, ça et là, sur l'entièreté du continent américain. Mais son double existe également en Polynésie, en Mélanésie, en Afrique, en Australie,...

 

            Si l'échange par le don se localise en des endroits divers, il se perd aussi dans la nuit des temps. Ainsi, à l'aube de son histoire, la vieille Europe connaissait de tels engagements réciproques. Déjà, Homère, Thucydide, en parlaient avec éloquence. En outre, d'autres sources anciennes appuient ces narrations de la Grèce antique. Les sagas, les légendes, les dialectes, le folklore, le droit coutumier des Germains, Celtes, Scandinaves, décrivent le phénomène ou ont manifestement subi son influence.

Comme bien d'autres « primitifs », nombre de nos ancêtres construisaient donc leur organisation sociale sur cette convivialité appelant aux redistributions de richesse.

 

                                                             Don ou prédation

 

            Les sociétés dites « arriérées » négligent l'écriture, car elles reposent sur une tradition qui se transmet par enseignement oral. Mais si pareil message vient à s'interrompre, voire même à se brouiller, la chaîne casse.

Il suffit parfois d'une génération défaillante, pour effacer une culture millénaire. Cette rupture, se répète avec une régularité implacable. Et, au fil du temps, ces hommes que l'on appelle encore « sauvages » en viennent à perdre tout particularisme. En conséquence, le don voulu comme institution peu à peu déserte la planète. Or, dans ce mauvais scénario, la civilisation occidentale et son système économique jouent un rôle dévastateur.

A partir du XVIme siècle, avec la naissance du capitalisme, l'avancée conduisant au « mieux » a dégénéré en course folle vers le « plus ». Désormais l'économie s'attaque aux fondements mêmes de la vie, en étouffant peu à peu les solidarités instinctives. Les liens entre individus se défont, le tissu social se désagrège, le collectif se meurt, et ce, au profit d'égoïsmes insatiables. C'est pourquoi, chez la plupart de nos contemporains, les automatismes mercantiles anéantissent toute tentative de don.

 

            Qui veut s'intégrer aujourd'hui, comprend qu'il ne doit pas donner mais prendre. Cela, parce que le libéralisme ambiant convertit la cupidité en règle de vie, en modèle de société. Cette prédation économique généralisée n'a rien de spontané. La doctrine du « tout-au-marché » en effet,  repose sur un prêche incessant. De fait, l'idéologie marchande se répand grâce aux journalistes, essayistes, écrivains, créateurs d'images, politiciens de toutes tendances, dirigeants notoires, porte-parole patentés, spécialistes reconnus. Tous ceux-là se muent en relais convaincants, grâce à des moyens de diffusion énormes. A l'analyse toutefois, on saisit que leur propagande s'articule autour d'un seul argument.

 

            Au départ, le discours néo-libéral invoque un « constat » : l’être humain serait irrémédiablement égoïste. Car son but exclusif dans l’existence, consisterait à rechercher un maximum de satisfactions ; et ce, au détriment de ses semblables. Il s’agirait là, d’une loi imprescriptible « voulue par la nature », une fatalité en quelque sorte. Dès lors, nous n’aurions d’autre choix que de nous soumettre à pareille injonction. D’autant que cette rapacité profiterait à tous. Soucieux de s’enrichir aux dépens des autres, chacun finalement travaillerait à la prospérité générale. En définitive, d’innombrables intérêts personnels déboucheraient sur un bonheur collectif.

 

            Les bons apôtres capitalistes ont convenablement répandu leur vision pessimiste du corps social. De nos jours, beaucoup de gens ne croient plus à l’altruisme, à la solidarité, aux valeurs humanistes. Néanmoins, cette déception générale ne provient pas seulement de l’endoctrinement qui a cours. Un simple regard sur le monde environnant stimule la misanthropie. Les hommes ne sont pas beaux. Mais comment les blâmer d’être à ce point repoussants, quand on sait que le système inocule avidité, concurrence, envie ?

 

            A chaque heure du jour, se déversent sur le globe des millions d’invites à la consommation. Le libéralisme économique en effet, prospère grâce à la publicité. Et celle-ci transforme les désirs vagues en besoins irrépressibles. Or, la majeure part de cette soif artificielle de jouissance ne pourra jamais se satisfaire. Ce qui revient à fabriquer en grande série, des frustrés, des aigris, des agressifs, des violents, des délinquants. Dès lors, évoquer une option politique généreuse déclenche chez tous ces dupes de la société mercantile un ricanement désabusé.

 

                                                       Variations sur un instinct

 

            Prétendre que l’homme est foncièrement mauvais, alors qu’on le rend tel, relève de l’affirmation perfide. Mais, soutenir qu’il cherche avant tout son intérêt ne manque pas de pertinence. Encore faut-il s’accorder sur la signification à donner au mot. Ainsi, préférer la mort à l’esclavage, n’est-ce pas choisir son ultime intérêt ? Et le suicide, quand l’espoir d’échapper à la souffrance n’existe plus, ne s’avère-t-il pas lui aussi « avantageux » ? A vrai dire, l’intérêt de l’être humain le fait tendre au parfait bien-être, et fuir toute espèce de douleur.

 

            Le bourgeois ne recherche pas seulement le « mieux être », mais aussi et surtout la domination de l’autre. Chez lui, intérêt signifie « avoir plus » ou « profit ». Parce que l’argent lui permet de se positionner favorablement sur l’échelle sociale. Les admirations de la bourgeoisie vont donc à ceux qui parviennent à « monter ». L’ambition serait vertu, alors qu’elle apparaît comme simple manifestation d’un instinct. Encore que la pulsion de dominance s’épanche-t-elle ici de bien piètre façon, car se vautrant dans un conformisme absolu.

La grimpette hiérarchique en effet réclame une grande souplesse d’échine. Avant d’en imposer, il faut se couler dans la norme, il faut d’abord plaire. C’est dire si nombre de nos potentats d’aujourd’hui, étaient hier de parfaits courtisans.

 

            L’ambitieux n’hésite guère à piétiner tout amour-propre pour obtenir un statut. Mais, pire à cet égard se révèle l'homme captif de sa vanité.

Celui-ci ne parvient pas à se doter des qualités et défauts qui propulsent vers les sommets. Son manque de capacités l’écarte des menées arrivistes. Malgré cela, il veut persuader le monde de son éminente valeur. Le besoin de dominer en fait alors un obsédé du « paraître ». Suivre la mode, afficher un snobisme radical, s’entourer d’objets en vogue lui sont prothèses nécessaires. Baudruche gonflée par l’apparence, qui croit s’élever en altitude, mais plane au gré du dernier flux comme sous l’emprise d’un vent farceur.

 

            Ambitieux et vaniteux, veulent s’entourer de gens admiratifs, soumis. Et ceci étonne toujours ceux qui élisent la fierté.

Car l’être fier n’a rien de l’animal de meute ou de troupeau. Il ne s'envisage nullement en meneur, encore moins en dominé. Sa nature autonome fuit les charges dispensables autant que les affronts cinglants. A cela, s’ajoute une volonté de ne pas dépendre, de résorber l'une ou l'autre dette, de restituer l'un ou l'autre bienfait.

En fait, la pulsion de dominance, cette force, affermit son individualité. Grâce à l’instinct habilement conduit, il récuse tout suivisme. Son modèle, c’est lui. Ainsi, il s’octroie du pouvoir, ainsi il se protège efficacement de toute pression morale.

Et, à ce grand guignol que présente notre condition humaine, seule la fierté permet le rire démystificateur.

 

            Il arrive que cette fière affirmation de soi, verse dans la démesure. Ainsi l’orgueil fait que l'on se déclare différent pour mieux se croire supérieur. Mais peu importe de « réussir » ou de « faire l’important ». Pourquoi l'orgueilleux s’abaisserait-il à convaincre la foule des « médiocres », puisque ses exceptionnelles vertus prouvent sa supériorité !? Et si marcher en tête ne peut s’accomplir, cet « incompris » s’écarte du troupeau avec dédain. Pour lui, la solitude vaut davantage que les compromissions.

Pareille intransigeance il l’applique avant tout à lui-même. Parce que l’orgueil sacrifie intégrité physique, amours, fortune, fantaisie et joie de vivre, au bénéfice de ce qui le conforte : gloire, grandeur, honneur.

 

                                                           Le don et l'instinct

 

            Suivre la nature, c’est suivre « sa » nature. Or, le naturel chez l’homme repose à la fois sur une animalité certaine, ainsi que sur la culture.

Ce bagage culturel peut-être l’œuvre d’un groupe ou le résultat d’une quête individuelle. Mais sa fonction première consiste à canaliser les instincts, à les réguler, à leur donner forme. Sans une telle volonté esthétique, sans une telle discipline, règne l’informe, le monstrueux, l’inhumain.

De la sorte, prôner l’immédiate et grossière satisfaction d’un besoin instinctif – et ce, aux dépens d’autrui – relève du manque de style, de la non-civilisation, de la barbarie. En ce sens, la prédation capitaliste est à la pulsion de dominance ce que le viol est à l’instinct sexuel.

 

            Les sociétés dites « inférieures » côtoient la nature. Cette proximité, favorise la comparaison entre l’homme et l’animal. Il s’ensuit une vision du monde, universelle, qui explique les différences avérées.

L’humanité qui réside en chaque membre de la tribu serait cadeau offert par quelque dieu ou ancêtre mythique. Comme une part de divinité, déposée dans le cœur de chacun, une âme donc, réclamant respect des personnes et maîtrise des appétits. Dès lors, agir en « être humain » caractérise les comportements du « sauvage ». Tout au moins, envers ceux qu’il proclame ses semblables.

C’est dans pareil canevas, que s’insère l’échange économique par le don.

 

            Dès que l’on donne, une dette s’établit. Et « devoir à quelqu’un » place en position d’infériorité vis-à-vis du bienfaiteur. La fierté commande alors de rendre en suffisance. Ceci, afin de rétablir une relation d’égal à égal. Le donateur se voit privé de toute emprise, aussitôt que son « obligé » vient à effacer l’ardoise. Mais un débiteur peut aussi rembourser plus que nécessaire. Dans ce cas, les rôles se trouvent inversés.

Dans une société basée sur le don, pouvoir et richesses sont toujours temporaires. Leur cession perpétuelle ne permet pas de régner. Il s’agit là d’un jeu avec la dominance, créé pour pacifier les rapports sociaux. Car chaque individu est, tour à tour, dominant et dominé.

 

            Si la fierté oblige à redonner, l’orgueil, lui, pousse aux plus folles largesses. Dans un système économique fondé sur le don, l’orgueilleux restitue davantage qu’il ne doit. Parce qu’il s’estime « le meilleur ». Et quand survient quelqu’un affichant la même morgue, c’est l’escalade assurée. Les deux rivaux s’affrontent en un duel qui engage tous leurs biens. Chacun va tenter d’écraser l’autre sous une avalanche de cadeaux. Or, sortir de cette spirale s’avère pratiquement impossible. Pour cela, il faudrait refuser les présents ; ce qui constitue une insulte grave. Arrive donc le moment où l’un des deux compétiteurs ne peut rendre avec surplus. Dès lors, il a le choix : « déshonneur » ou… suicide !

 

            Parfois, l’orgueil se propage parmi tout un groupe. Alors, quand survient semblable déraison générale, le don sert à surpasser d’autres familles, clans, tribus. La « générosité » déployée, a pour seul but de rabaisser la collectivité adverse, de la soumettre. D’où ce proverbe esquimau : « Le don fait les esclaves, comme le fouet fait les chiens ».

Par là s’exprime une manière de faire la guerre, sans effusion de sang. Néanmoins, les membres du parti dominant doivent tout sacrifier à cette lutte commune pour la suprématie. Et qui ne veut, ou même ne peut, œuvrer à la gloire des siens, apparaît indigne et méprisable. Celui-là sera abandonné, sans ressources, dans une nature hostile.

Ceci consacre la faillite du principe. Car en servant exclusivement la pulsion de dominance, le don se dénature. Lorsqu'il se présente de la sorte, cet acte complet se corrompt en perdant ce qui fait sa richesse. Ainsi disparaissent l'échange économique, le rituel sacré, l'éthique sous-jacente. De fait, cette soif de pouvoir affaiblit l'instinct de coopération, et donc l'empathie, l'égalité, la fraternité.

           

                                                            Don et modernité

 

            Dire: « le capitalisme est le moins mauvais des systèmes », suppose que l'on ait étudié toutes les autres formes d'organisation économique et sociale. Généralement, ce n'est pas le cas. Mais en plus, comment admettre une vision de la vie en société qui exalte la lutte de tous contre tous et détruit la planète!?

En fait, la nocivité de l'idéologie mercantile provient de ce qu'elle cultive le profit, l'ambition et la vanité. Par contre, on peut vouloir une politique distributive, toute entière axée sur le don, la fierté et l'orgueil correctement endigué. Et ceci correspondrait alors, à la version moderne du fameux échange pratiqué dans les économies « primitives ». Or, pareille métamorphose économique est aujourd'hui parfaitement envisageable.

 

            De nos jours, la richesse des sociétés industrialisées permettrait de distribuer un « revenu social garanti ». Depuis l'âge de la majorité jusqu'au tombeau, une « allocation universelle » fournirait aux individus une indépendance financière totale.

Travailler (15 à 20 heures par semaine) deviendrait un choix, et non plus une obligation. Cet argent, donné sans contre-partie, serait octroyé par un organisme fonctionnant à l'échelon local, tel le conseil du village ou le comité de quartier. De la sorte, tous connaîtraient personnellement chaque allocataire, mais aussi ce que chacun compte faire pour la collectivité en échange de ce don.

De toute façon, qui refuserait l'une ou l'autre manière de rendre quelque service à la société, coûterait nettement moins que ce parasite contemporain: l'actionnaire.

 

            On peut raisonnablement envisager que seul un petit nombre ne compenserait pas ce qu'il reçoit pour vivre. Cependant, ce manque de fierté chez quelques uns se verrait largement compensé par l'orgueil de beaucoup d'autres.

A coup sûr, certains se voudront brillant chirurgien ou balayeur de grande performance. De même, une équipe d'ouvriers pulvérisera tous les records de production, pour peu qu'elle incorpore une majorité d'orgueilleux.

En réalité, il ne s'agit pas ici de changer la nature de l'homme, mais bien de s'en servir. L'objectif consiste seulement à modifier les rapports économiques. Ce qui revient à promouvoir d'autres comportements que ceux voulus par un système destructeur.

 

            Exploiter ses semblables se fait sous l'incitation du profit, et dans une société distributive celui-ci serait supprimé. Un égal revenu pour tous, l'autogestion généralisée, l'éradication de cette publicité créant de faux besoins, l'absence d'intermédiaires, ... rendraient impossible une domination par le biais de l'avoir.

D'autre part, l'argent distribué se détruirait au fur et à mesure de son usage. Et, sans moyen d'accumuler de la richesse, l'ambition n'aurait plus de raison d'être. Quant à la vanité, elle s'éteindrait aussitôt. Car il n'existe plus d'objets valorisants lorsque tous ont la même somme à dépenser.

De prime abord, tout ceci peut paraître utopique. Sauf que l'idée est dans l'air et que, tôt ou tard, il appartiendra aux populations de se prononcer sur le bien-fondé d'une pareille vision de la société.

 

            Le 5 juin 2016, les Suisses étaient invités à une « votation ». Il s'agissait d'un referendum portant sur l'acceptation, ou non, d'un « revenu de base inconditionnel ».

En cas de victoire du « oui », chaque citoyen recevrait ponctuellement une somme mensuelle correspondant à 2.260 €uros. Tous empocheraient pareille allocation, cumulable avec un éventuel salaire, sans aucune obligation de travailler, mois après mois, jusqu'au décès. Cependant, en attendant leur majorité, les enfants mineurs devraient eux se contenter de 650 francs (565 €uros). Dès lors, si l'on prend pour exemple une famille-type (les 2 parents, un enfant dépassant l'âge de 18 ans, un autre plus jeune), celle-ci percevrait régulièrement 7.345 €uros.

Dès qu'il fut connu, le résultat de cette consultation populaire provoqua chez ses initiateurs une déception profonde. D'abord, seul 46% de l'électorat s'était déplacé. Ensuite, 76,9% des votants se prononcèrent pour le « non »!

 

                                                           À suivre...